A chaque époque, son concept à la mode. S’il est un concept à la mode aujourd’hui, c’est bien celui de pensée critique. Plus de 60 000 résultats à partir des mots clés «critical thinking»!
Alors, comme c’est à la mode, allumez vos warning !
Comme tous les concepts bien massivement utilisés, il risque bien d’être galvaudé, et on peut lui faire dire tout et (presque) son contraire.
Pour nous, à Perspicosm, la «pensée critique» (critical thinking), c’est un processus –et pas un résultat.
Un cheminement par lequel on ne veut pas réfléchir plus, mais réfléchir mieux.
Il s’agit de se préserver de tout amalgame simpliste, de toute généralisation hâtive, de toute idée reçue, ou encore de toute certitude qui seraient le fruit de croyances ou d’énoncés sans preuves.
Un état d'esprit efficace
Un état d’esprit ouvert et une posture intellectuelle rigoureuse pour être en mesure de penser de manière rationnelle et autonome.
Un voyage de questionnements qui nous conduit in fine à prendre des décisions plus pertinentes mais aussi à résoudre des problèmes de façon plus créative, autonome et efficace.
Un itinéraire d’autant plus profitable qu’il est commencé dès le plus jeune âge.
Bref, pour quiconque souhaite rester maitre de ses pensées et agir en conséquence, c’est-à-dire être libre, c’est le Graal ! Or qui ne veut pas être libre ?
Oui, mais obtenir le Graal, ça se mérite, et ça ne va pas forcément de soi.
Vos manières d’aborder une situation, de juger et de pré-juger ont une influence directe et profonde sur le cheminement intellectuel de vos enfants.
Alors oui, peut-être que vous vous dites que vous n’avez pas le temps à y consacrer. Effectivement, les sciences cognitives nous révèlent que nous tendons d’abord à percevoir les questions, les problèmes, les enjeux, à partir de leur structure superficielle, concrète et que nous avons besoin de temps et de connaissances pour accéder à leur structure profonde, celle par laquelle la pensée critique se déploie. Ca nécessite un peu de temps, comme tout entrainement.
Vous vous demandez aussi peut-être par quel bout vous y prendre pour développer cette compétence avec votre enfant. Et cette peur de mal faire, de déconstruire des repères, c’est légitime.
It's a process!
C’est une compétence à entrainer…mais pas de panique, on peut le faire en s’amusant. Et tous les jours nous donnent des occasions de nous rappeler à l’exercice, tant l’info en « fake news » abonde. Selon des chercheurs du MIT (Massachussets Institute Of Technology) une fausse nouvelle aurait 70% plus de chances d’être davantage relayée qu’une nouvelle vérifiée. Et elle circulerait en moyenne 6 fois plus vite !
Alors, mon conseil, C’est bien simple, vivez chaque jour comme un 1er avril, soyez vigilent, prenez-le comme un jeu, et croyez-moi, vous allez y prendre goût. On ne vous y attrapera pas 2 fois.
Et en bonus, vous récolterez bien des atouts :
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Votre enfant saura se challenger plus naturellement et trouver des solutions alternatives à un problème
- Il acceptera plus facilement d’apprendre de ses erreurs pour « grandir ».
Mais comment s'y prendre?
Si vous êtes toujours là, c’est sans doute que cette démarche vous parle. L’expérience et les études ont effectivement démontré que la pratique de la philo créative mettait tout simplement des atouts considérables dans le jeu des enfants. Je vais vous en présenter 5 principaux et comment vous pouvez d’ores et déjà les solliciter, chez vous:
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1. Observer!
Tout jugement humain est subjectif. Aussi, avant d’analyser ce qui vous entoure, commencez par prendre le temps de comprendre comment, vous, vous fonctionnez. Méfiez-vous de vous-même ! De quelle façon vous raisonnez ? Quels sont vos biais ? En quoi ceux-ci peuvent-ils éventuellement affecter votre jugement ? C’est systématiquement plus facile de déceler ces biais chez les autres.
Commencez donc par comprendre ces défauts de jugements chez les autres. Vous les traquerez ensuite plus facilement chez vous. Vos biais ont une influence directe sur ceux de vos enfants. Pour leur bien, essayez de prêter attention à vos « distorsions cognitives » (qui peuvent vous faire voir le monde de manière biaisée) qui auraient tendance à limiter, inconsciemment votre pensée critique. Par exemple, si vous avez tendance à faire preuve de négativisme (attitude négative, de refus), à sur-généraliser trop rapidement, etc.
L’objectif ? en comprenant comment vous fonctionnez, et à être critique avec vous-même, vous serez plus en mesure d’en tenir compte. Pour détecter d’éventuels biais de pensée et élargir votre façon de penser!
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2. Aiguisez votre capacité à remettre les choses en question
Apprenez à ne pas considérer une information comme vraie avant de l’avoir étudiée vous-même, même si cela peut vous demander du temps et de l’énergie. Même si cela peut démonter vos convictions.
Vous connaissez sans doute le sort de Socrate. Condamné à mort parce qu’il aurait encouragé le détournement des dieux et l’immoralité dans la cité. En fait, tout se qu’il faisait, c’était de se promener et de discuter de grandes questions fondamentales avec les gens. A force de questions, il les amenait à remettre en doute ce qu’ils tenaient pour acquis. Oui, c’est frustrant, oui, ça peut déstabiliser. Mais c’est le prix à payer pour la justesse du jugement. Soyez prêts à déconstruire vos convictions, si elles ne tiennent pas debout. Ou bien, vous faites le choix d’être illusionné tout votre vie.
Pour commencer, ne soyez pas trop définitif dans vos réflexions. Remettez en cause toutes vos suppositions. Vous verrez que beaucoup d’entre elles s’effondrent par une analyse un peu plus poussée. Par exemple : pourquoi pensons-nous échouer alors que nous n’avons même pas encore essayé ?
Evitez aussi les termes définitifs comme “jamais” et ne les utilisez que lorsque vous êtes absolument certain(e) de ce que vous dites.
Enfin, écoutez votre instinct et enquêtez sur les informations pour lesquelles vous pouvez avoir un doute. Si vous n’êtes pas entièrement satisfait(e) de l’explication recueillie, demandez à votre interlocuteur de développer sa réponse. Si, à l’inverse, un fait vous paraît exact, lisez davantage à son sujet ou bien faites-en l’expérience vous-même.
L’objectif ? En développant un « art du doute », vous pourrez juger plus rapidement, en écoutant votre instinct, si une information mérite d’être analysée plus en profondeur ou pas.
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3. Ne vous limitez pas à une seule option
On est rarement limité(e) à un seul choix ou option. Par définition, toutes les informations qui nous arrivent sont incertaines parce qu’elles ne sont pas encore vérifiées.
Comprenez que tout doit être contextualisé. Essayez de comprendre le point de vue de l’autre ou les causes profondes et multiples d’un phénomène avant de le juger
Aussi, tel un chercheur du CNRS, ou tel un Sherlock Holmes en mission, face à une problématique, ne négligez aucune hypothèse, déterminez toutes les solutions qui sont à votre portée mais essayez de les graduer selon leur degré de probabilité.
Vérifiez-les ensuite en fonction des informations que vous arriverez à glaner. Cela vous permettra de faire face de façon plus habile aux réflexions du quotidien.
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4. Apprenez à raisonner
Face à une situation difficile ou complexe, adoptez une attitude constructive, ciblée et adaptée. Faites preuve de méthode et adoptez plus précisément un raisonnement « hypothético-déductif » qui vous assurera à coup sûr de ne pas porter un jugement de façon inconsidérée.
Concrètement, à partir de votre croyance de départ, posez votre hypothèse. Puis identifiez et observez, en vous appuyant sur des connaissances et des contraintes pertinentes, les explications causales, vérifiables, qui en résultent. Cela vous permettra de conforter ou éventuellement de réévaluer votre hypothèse de départ.
Observez les prémisses et analyser leur fondement. En ont-elles seulement ?
Prenez le temps de faire remarquer à vos enfants et étudiants, une fois un savoir acquis, comment on aurait pu les tromper à ce sujet. En mathématiques, on montrera comment on peut tricher en trafiquant l’axe des X ; en comptabilité, comment on peut tromper sur tel aspect d’états financiers ; en histoire, comment on construit une théorie de la conspiration. Et ainsi de suite.
L’objectif : En vous appuyant sur cette méthode rigoureuse, ne déduisez plus de conclusions à partir d’hypothèses mais bien en fonction d’observations et de réflexions réelles. Pour apprendre à réfléchir de façon autonome et critique.
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5. Ouvrez-vous aux autres !
Aucune idée ou opinion n’est bonne ou mauvaise en soi, ou si peu. Pour développer votre esprit critique, mettez-vous à la place des autres ou bien sollicitez leur avis.
Cela vous permettra notamment d’obtenir et de considérer un nouveau point de vue qui pourrait changer ou remettre en perspective votre opinion. Et auquel vous n’auriez pas pensé de prime abord.
De plus, entourez-vous ou rapprochez-vous d’experts, de personnes compétentes dans un domaine pour vous imprégner et développer davantage votre esprit critique sur le sujet.
L’objectif : En vous ouvrant à une palette d’opinions et de façons de penser vous serez davantage en capacité de développer votre esprit critique.
2 réflexions sur “Comment développer son esprit critique”
Pourquoi s’en limiter à la pensée critique quand on sait que faire de la philo avec les enfants leur permet également le développement de la pensée créative et attentive… S’en tenir à la pensée critique, c’est intéressant, mais on risque de prendre la partie pour le tout… Pieree on risque de développer des «raisonneurs» qui diminueront peu à peu leur intérêt pour leur s émotions et celles des autres… enfin, je pense tout haut….
Merci de penser tout haut, cher Michel! 🙂 Et merci en passant pour tous les enseignements tu nous as transmis. Je suis tout à fait d’accord avec toi. Alors en effet, comme cet article porte spécifiquement sur la pensée critique, je n’ai traité que cet aspect ici, mais il ne faudrait pas croire que c’est la panacée. Loin de moi cette idée! A quoi bon raisonner, effectivement, si cette faculté n’entre pas en résonance avec la pensée créative et attentive. 🙂
D’autres articles du blog le démontreront. C’est d’ailleurs l’enjeu des ateliers proposés ici, qui, par leur dimension interculturelle, ouvrent une voie d’accès qui sollicite et facilite le développement de la pensée créative et attentive de manière assez naturelle.