« Bien des hommes découvrent le vaste monde
en cherchant seulement à faire fortune.
Quant à toi, mon fils,
c’est en cherchant à connaître le monde
que tu trébucheras sur un trésor. »
Amin Maalouf, Léon l’Africain
En ce 2 janvier 1492, la prise de Grenade vient mettre un terme à la Reconquista qui voit l’Andalousie sombrer dans la division et la peur. La prédation lancinante de l’empire catholique parvient à ses fins, rejetant d’un bloc le merveilleux syncrétisme culturel et religieux dans lequel cohabitaient les habitants du Taifa de Grenade jusqu’alors, sous les dynasties musulmanes Almoravides, Almohades et Nasrides. Les rois catholiques ne daignent même pas prendre en considération la richesse de ces échanges, ce prospère microcosme de tolérance. Ils ne s’arrêtent pas, ébahis, devant le raffinement des moulures et des chatoyants reflets au célèbre palais de l’Alhambra. Ingratitude devant de telles merveilles.
Comme l’occasion s’y prête bien en ce 2 janvier, j’aimerais vous présenter l’un des romans historiques les plus instructifs, les plus marquants et les plus captivants pour moi. Il se déroule sur ce territoire chargé d’histoire et gorgé de soleil qu’est l’Andalousie. Si vous avez l’occasion de visiter le sud de l’Espagne, prenez le temps de vous baigner dans l’atmosphère médiévale mauresque pour en saisir toutes les subtilités. Rien de mieux pour cela que de faire connaissance avec Amin Maalouf. Auteur de Léon l’Africain, Les Échelles du Levant et Le Périple de Baldassare, sa délicate plume poétique et informée par de nombreuses sources fiables, vous envoutera et ce ne sera rien de moins qu’un voyage effréné et envoutant au fil des pages. Vous redécouvrirez que c’est avant tout une terre de passerelles culturelles et d’échanges méditerranéens qui bouleverseront pour vous le mythe de la « fracture imaginaire » entre Orient et Occident, Nord et Sud. Vous comprendrez qu’à Grenade, l’identité n’est ni noire ni blanche mais qu’elle ne pourra jamais qu’être plurielle : les marchands, les marins, les banquiers et religieux médiévaux cohabitaient en bonne intelligence, dans une tolérance exemplaire et bienveillante.
A travers la biographie de Hassan al-Wazzan, vous traverserez les grands événements de cette époque de turbulences : de Grenade où il a dû fuir l’Inquisition jusqu’au sac de Rome par les soldats de Charles Quint, en passant par l’Égypte lors de la conquête du pays par les Ottomans, puis par l’Afrique noire à l’apogée de l’empire de l’Askia Mohamed Touré, et à Rome aux plus belles heures de la Renaissance.
Géographe de Jean-Léon de Médicis, Hassan al-Wazzan dit Léon l’Africain représente à lui seul le métissage culturel méditerranéen du XVIe siècle dont l’Andalousie était la vedette.
« Moi, Hassan fils de Mohamed le peseur, moi, Jean-Léon de Médicis, circoncis de la main d’un barbier et baptisé de la main d’un pape, on me nomme aujourd’hui l’Africain, mais de l’Afrique ne suis, ni d’Europe, ni d’Arabie. On m’appelle aussi le Grenadin, le Fassi, le Zayyati, mais je ne viens d’aucun pays, d’aucune cité, d’aucune tribu. Je suis fils de la route, ma patrie est caravane, et ma vie la plus inattendue des traversées »
Et si on se laissait inspirer par cette parenthèse maure : pourvu que vous ne vous laissiez définir par aucune identité fixe et intangible. Après tout, nous sommes comme une grande fontaine aux vasques communicantes, tels les lions de l’Alhambra et c’est seulement ensemble que nous formons une magnifique mosaïque riche de sens. Faites donc de votre vie un chemin de découvertes et de rencontres. C’est en cherchant à connaitre le monde qu’on trouve le véritable trésor.